lundi 12 janvier 2009

Le téléphone mobile, redoutable machine à mentir

Comment ne pas tricher au jeu du téléphone portable... appels filtrés, messages d'excuses, fausses pannes de réseau ou de batterie... A croire que le mobile est une nouvelle machine à mentir, genre d'instrument rêvé au service de nos petites lâchetés !

Si à première vue le téléphone portable n'est autre qu'un outil de communication moderne très utile grâce auquel nous pouvons joindre n'importe qui et être joint n'importe où, en réalité, je pense qu'il est bien plus puissant que ça... Il appartient à cette catégorie d'objets qui étendent les limites de notre vie... psychique ! oui, c'est ça. Psychique. Il nous autorise à être qui nous voulons, au gré de notre imagination. Il nous permet aussi de rester bien au chaud dans nos retranchements émotionnels et affectifs.

On se sent tellement en symbiose avec ce petit appareil diabolique qu'avec et grâce à lui on peut décider du dosage de mensonge et de vérité que nous installons dans la conversation. On se sent bien plus maître du jeu qu'avec un téléphone fixe... Sur un fixe, je n'ai pas cette relation intime, personnelle. Et pour cause... Un fixe est commun. Un fixe est fixe. Un fixe ne me suit pas partout et ne me permet pas d'être où je ne suis pas alors que je devrais être ailleurs si j'y étais allé... vous me suivez ou faut que je vous téléphone ? Le seul frein reste bien sûr notre rapport à la culpabilité... mais cela dit, malgré une veille documentaire régulière, je n'ai pas connaissance de modification transgénique notable depuis l'arrivée du portable ;-) En gros, un fanatique de la vérité n'a pas été transformé en menteur invétéré. En revanche, je pense qu'il facilite amplement nos petites tricheries quotidiennes. Il se met aisément au service de notre lâcheté occasionnelle, voire il allège considérablement nos peurs d'avouer des vérités déplaisantes ou compromettantes.

Et là, je vous sens bien vous demander : qu'est-ce qu'elle a encore fumé Diane-Eve ? mais que nenni, je n'ai rien consommé d'illicite, juste un ti mélange thym/romarin en perf, comme tous les matins d'hiver. Alors pour étayer ma super théorie qui n'engage que moi, je vais vous donner quelques 3 exemples en couleur. Démonstration. Profitez-en, c'est cadeau.

Acte 1 – Scène 1
Personne ne sait où je suis

Avec cette fabuleuse petite boite noire, je parle à qui je veux, d'où je veux, sans limitation d'espaces et sans que mon interlocuteur ne sache où je suis. D'où la grande question, devenue Number One dans tous les Charts All Over The World "t'es où ?". Grand classique de la conversation interhumaine depuis quelques années, à tel point que l'on se surprend parfois à demander "t'es chez toi ?" quand on appel sur un fixe... Et là où la magie opère, c'est que je peux répondre ce que je veux, en fonction de mes besoins. Alors que si j'appelle ou si l'on me contacte sur mon fixe, la personne qui est à l'autre bout du fil sait que je suis chez moi. Et pour peu qu'il connaisse la disposition des lieux, il peut me visualiser en situation de téléphonage (tiens je l'avais pas encore fait celui là, il est pas mal, je l'adopte). Ça limite vachement le champ d'investigations !!! ça casse l'ambiance, y'a pas de délire possible. Il sait que je suis là, chez ma maison... Alors que my mobil phone créé pour moi un horizon de doute et d'imprévisibilité... là où je suis, à priori... je ne suis pas imaginable par mon correspondant. Il ne peut pas me visualiser... et toc. Premier bonus : mise à distance géographique donc liberté de dire ce que je veux. A votre avis, pourquoi les psychanalystes nous font allonger dos à eux ??? nan, ce n'est pas seulement pour gribouiller des trucs obscènes ou se gratter le nez pendant qu'on raconte les grandes misères de notre vie. C'est surtout parce que l'échange des regards est impossible et donc, notre inconscient à le champ libre pour se lâcher. L'œil est l'organe du jugement. Quand je raconte quelque chose, le regard de l'autre m'oblige à rester dans le réel et me force à prendre conscience de mes propos...
La distance... la liberté de pouvoir dire que l'on est où on n'est pas... vous me voyez venir ? et ben oui, le téléphone portable est l'instrument idéal de l'adultère sans risque. Ni vu ni connu, j't'embrouille. Je rassure mon mari pendant que je suis avec mon amant. Euh, on s'emballe pas les garçons, ça marche aussi et surtout dans l'autre sens... regardez : je rassure ma femme pendant que je suis avec ma maîtresse.
"Mon chéri, je rentrerai tard, je suis coincée au bureau..." ;
"Ma puce, mon patron vient de me donner un dossier à boucler pour demain, ne m'attends pas...".
"Maurice fait son pot de départ, j'avais complètement oublié, je ne peux pas lui faire faux bond..."
Et hop ! à distance et sans danger, je viens d'acquérir le don d'ubiquité ! c'est t-y pas beau le progrès ? (là, Diane-Eve est super caustique pour ceux qui ne la connaissent pas encore trop bien)

Acte 2 – scène 1
Je filtre, donc je contrôle.

Miroir de mon caractère, mon portable devient très vite autonome, ayant sa propre volonté et je ne suis de fait pas responsable...
"Allô ? allô ? qui est-ce ? Comment ? Qu'est-ce que tu dis ? Rooo, je n'entends rien du tout..." ; "...mais non tu ne me soules pas, mais si je veux bien discuter... oups, atta, ça va couper, j'ai plus de batterie ! tuuuut, tuuuuuuut, tuuuuuuut" ; "j'entre dans un tunnel, je te rappelle..."
Et zou, me voilà débarrassée des importuns. Le tout sans me fâcher ni me stresser. Et je m'offre cette délicieuse petite lâcheté sans aucun scrupule car ce n'est pas moi... c'est mon portable ! Ben oui quoi, j'y peux rien si y'avait plus de réseau... je ne savais pas que la batterie était défaillante... et si notre conversation a été interrompue, c'est lui le coupable ! C'est lui aussi qui m'a empêchée de passer à la banque pour renflouer mon compte en me retransmettant un message totalement inaudible.
Et avec ça, j'ai même plusieurs niveaux de filtrage... le luxe ! Je peux choisir une sonnerie particulière pour tante Ursule... je saurais alors immédiatement qu'il ne faut pas que je bronche d'une oreille. De même, s'il s'agit d'un de mes contacts, son nom s'affiche et selon l'humeur, je sais avant même de décrocher quel pieux mensonge inventer pour me tirer d'une situation déplaisante. Ce merveilleux objet étant toujours avec moi, sauf quand "oooh, c'est trop bête, je l'avais oublié dans la voiture...", il peut aussi me permettre de répondre sans répondre... genre je monte dans ma voiture, je fais tourner le moteur, je mets un fond de radio et j'abrège en prétextant être sur la route... genre aussi je réponds en chuchotant que je suis en réunion et que je rappellerais plus tard. Excuse devenue célèbre et qui de surcroît me permets de montrer à quel point je suis occupé et important... bingo, tout bénef.

Acte 3 – scène 1
Je me cache derrière un SMS

Alors là, on joue dans la cour des grands ! Les énormes mensonges ou les trucs franchement pénibles à annoncer requièrent l'écrit. Intervient alors le Texto aussi appelé SMS (Short Message System).
Et je vous le dis, il faut être vraiment lâche –ou super cynique- pour oser écrire : "Chéri, je te largue" ; "Tout est fini entre nous" ; "n'insistes pas, je lâche l'affaire"... Et pourtant, il semble que les ruptures par SMS soient de plus en plus répandues. Il y a même des patrons qui ont la bassesse de signifier une mutation punitive ou un licenciement par SMS !!!
Lâche ? Cynique ? nan, je ne pense pas. Ces attitudes expriment à mon avis le fantasme de la fin de la relation sans souffrance. Ni regret, ni chagrin, nul deuil à accomplir ! Partant du principe que le texto sera fatalement effacé, il ne laissera pas de trace contrairement à la lettre susceptible d'être conservée.
Pourtant, l'affaire en reste rarement là : vous seriez capable, vous, de recevoir un sms aussi violent sans réagir ni demander quelques explications ??? Et ben non, faut arrêter le délire. La rupture sans larmes est un fantasme !!! Certes, l'écrit me permet de faire passer mon message puis de me retirer du jeu et de rentrer dans l'ombre si j'en ai envie. Assurément c'est bien moins compromettant qu'un message vocal, qui m'oblige à donner de moi, de ma voix, qui trahit mes émotions et fait courir le risque que l'autre décroche... Mais faut pas me prendre pour un lapin crétin. J'ai jamais vu une nana qui reçoit un "c'est fini, à jamais et portes toi bien" et qui répond "ah ? merci c'est cool. Alors à jamais et vas mourir !" Un sms ne présente qu'un avantage dans une telle situation, c'est qu'on l'écrit dans le vide, personne en face, et qu'on le balance tel le Scud assassin en gardant la possibilité de se mettre à l'abri.

Pour clore mon coup de gueule du jour, j'ajouterais qu'à mon sens et forte de mes expériences très personnelles, le portable est dangereux pour la vie de couple !!! car au début de la relation, on bénéficie de son aspect anxiogène : on peut se joindre à tout moment et où que l'on soit, je lui envoie un mot doux pour lui dire que je pense à lui, ce à quoi il me répond à peu près la même chose (sauf les mufles mais ça c'est autre chose), on s'envoie un bonjour au premier battement de paupière, on se souhaite une bonne nuit du fond du lit, on s'inonde de bisous... et sans être ensemble on a l'impression de l'être quand même. Mais c'est là une incitation à la fusion... et la fusion est destructrice car elle accroît notre intolérance à la frustration et nous laisse imaginer que l'on doit se rendre des comptes... si l'on n'arrive pas à se joindre ou si l'un des deux ne répond pas dans les 10 min, c'est l'angoisse, la panique, la déception, le doute, la colère... Telle l'addiction, on s'aperçoit trop tard que l'on exige comme un dû que l'autre soit à tout moment en mesure de dire ce qu'il fait et avec qui. De la même façon, l'autre peut ressentir un malaise en se sentant épié, contrôlé, surveillé. Rien que du mauvais qui mène au texto de rupture ;-)

Et parce que je vous aime bien, je vais être honnête avec vous : J'ai un mobile et je l'ai parfois utilisé à des fins peu glorieuses. Oui je filtre à grands coups de pannes réseau. Oui, il m'a quelques fois permis d'être sur une plage à Nice tout en étant en séminaire dans la grisaille lyonnaise. Oui, j'ai utilisé et abusé du texto de la mort qui tue pour balancer des missiles destructeurs... Mais jamais de rupture ! ah ça non ! faut pas déconner. y'a des trucs qui se disent en face, les yeux dans les yeux. Au moins ça coupe court à toute interprétation et ça nous met en face de notre décision. Et puis j'ai "la chance" d'avoir une copine à qui c'est arrivé... alors ça je ferais jamais.

Alors ouiii, j'avoue, je me suis servie de ces facilités pour ruser, arranger ou masquer quelques vérités, balancer des vacheries... mais petit à petit, j'en reviens... C'est comment déjà le proverbe du vieux fou dans "Mon nom est Personne" ??? "A force de vivre par l'épée, on finit par se la recevoir dans le cul !". Expression fort triviale j'en conviens mais ô combien juste ! N'est-il pas ???

Et si le portable ne nous rend pas plus lâche, plus menteur ou plus pervers que nous ne le sommes au plus profond de nous, il agit assurément comme un "facilitateur"... voire un révélateur de nos tendances les moins brillantes !

Le portable ne fait pas le menteur...
il fait juste partie de sa boîte à outils !!!

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour chère Diane-Eve. Dites-moi: Ca sent le vécu tout ça ou je me trompe :)? J'aime bien le coup du tunnel, je crois bien que je vais vous l'emprunter pour une ou deux occasions ;). Prenez soin de vous.

Diane Eve a dit…

@ Djinn : du vécu oui, mais pas nécessairement par moi !!! n'avez vous jamais été "chez un pote à boire l'apéro" alors que vous étiez "ailleurs..." ??? N'avez vous jamais balancé des vannes qui soulagent en vous cachant derrière un texto qui vous protégeais du regard ou de la riposte de l'autre ? N'avez vous jamais prétexté des journées entières de réunion histoire de ne pas avoir à affronter les sermons de maman ???
Aller, soyez sincère.
Quant à moi, je ne parle pas ici essentiellement de ma vie... mais souvent, très souvent, de ce que je vois dans celle des autres !

Anonyme a dit…

Tu sais Lo, il n'y a pas que pour un couple que le tel mobile est dangereux. Dans la vie aussi les gens estiment qu'à partir du moment où tu as un portable tu DOIS être joignable à tout instant. Mais c'est vrai tout ce que tu écris, et je me rend compte que moi aussi je m'en sers pour mentir parfois. Mon truc favori c'est de laisser sonner quand ça m'ennuie et dire que j'avais pas mon téléphone sur moi...